La Cité Fleurie : histoire et patrimoine d’un havre artistique parisien

La Cité Fleurie : histoire et patrimoine d’un havre artistique parisien

Nichée au cœur du 13ème arrondissement de Paris, la Cité Fleurie constitue un véritable trésor caché dans le paysage urbain parisien. Ce havre de paix, situé au 65 boulevard Arago, abrite depuis plus d’un siècle une communauté d’artistes dans un cadre bucolique préservé du tumulte de la capitale. Avec ses allées verdoyantes et ses ateliers à l’architecture singulière, ce lieu enchanteur semble suspendu dans le temps. Son histoire mouvementée a failli se terminer brutalement dans les années 1970, quand des promoteurs immobiliers ont menacé de raser cet ensemble unique. Grâce à une mobilisation exceptionnelle, la Cité Fleurie a survécu et représente aujourd’hui une victoire emblématique pour la préservation du patrimoine culturel parisien. Découvrez l’histoire fascinante de ce joyau architectural et artistique qui continue d’inspirer et d’abriter des créateurs contemporains.

Origines et création de la Cité Fleurie

La naissance de la Cité Fleurie s’inscrit dans une démarche originale de réutilisation architecturale, phénomène assez rare à l’époque. Sa construction s’est déroulée en deux phases distinctes entre 1878 et 1888. Le premier bâtiment, situé en fond de parcelle, a vu le jour en 1878, utilisant les matériaux récupérés du pavillon de l’Alimentation conçu par Hunebelle pour l’Exposition universelle de Paris qui se tenait la même année. Cette approche de recyclage architectural témoigne d’une vision avant-gardiste pour l’époque.

L’architecte Montmorin-Jentel, ingénieur de la Ville de Paris et propriétaire du terrain, supervisa ce projet novateur. Dix ans plus tard, en 1888, un second bâtiment fut érigé le long du boulevard Arago, complétant ainsi l’ensemble architectural que nous connaissons aujourd’hui. Une particularité historique ajoute au charme et à la valeur patrimoniale du lieu : selon plusieurs sources, des pierres provenant du palais des Tuileries auraient été intégrées dans les fondations de la Cité, liant ainsi ce lieu à l’histoire monumentale de Paris.

Architecture et caractéristiques distinctives

L’ensemble architectural de la Cité Fleurie se distingue par sa composition harmonieuse et son caractère intimiste. La cité est formée de deux bâtiments parallèles séparés par un jardin intérieur luxuriant qui constitue le cœur vivant de cet espace. Cette disposition crée une atmosphère de village au sein de la capitale, un microcosme préservé des regards extérieurs.

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Les 29 ateliers-logements qui composent la Cité prennent la forme de chalets blancs à pans de bois mitoyens, rappelant le style anglo-normand. Leur architecture singulière, avec leurs toits pointus et leurs façades blanchâtres aux structures boisées apparentes, confère au lieu un charme bucolique incomparable. L’aménagement paysager renforce cette impression : allées de gravier blanc, bambous, buissons fleuris et végétation abondante transforment l’espace en un véritable jardin à l’anglaise. Un passage traverse la cité en son milieu, donnant accès au jardin arrière et créant une circulation fluide entre les différents espaces. Cette configuration unique favorise les rencontres entre artistes tout en préservant l’intimité nécessaire à la création.

Les artistes célèbres de la Cité Fleurie

Depuis sa création, la Cité Fleurie a attiré et abrité une pléiade d’artistes renommés, devenant un véritable foyer de création artistique à Paris. Parmi les figures marquantes ayant vécu ou séjourné dans ces ateliers, nous retrouvons des noms qui ont profondément marqué l’histoire de l’art. Eugène Grasset, initiateur du style Art nouveau, y résida de 1890 jusqu’à sa mort en 1917, y développant son œuvre novatrice de graveur et décorateur.

Le peintre Jean-Paul Laurens occupa l’atelier n°22, avant que celui-ci ne devienne la résidence du peintre César Domela. Daniel de Monfreid y accueillit régulièrement son ami Paul Gauguin, tandis qu’Amedeo Modigliani séjourna au numéro 9. La Cité attira aussi des sculpteurs de renom grâce à la présence du bronzier Limet, qui y recevait Auguste Rodin, Antoine Bourdelle et Aristide Maillol pour réaliser les patines de leurs œuvres. Plus récemment, le peintre Henri Cadiou y vécut et joua un rôle déterminant dans la sauvegarde du lieu.

ArtisteDisciplinePériode de résidenceAtelier
Eugène GrassetGraveur et décorateur1890-1917Non précisé
Jean-Paul LaurensPeintreFin XIXe siècleN°22
Amedeo ModiglianiPeintre et sculpteurDébut XXe siècleN°9
César DomelaPeintreXXe siècleN°22
Daniel de MonfreidPeintreFin XIXe siècleNon précisé
Louis NeillotPeintre1934-1972Non précisé
Henri CadiouPeintreXXe siècleNon précisé

La bataille pour la préservation dans les années 1970

Au début de l’année 1970, la Cité Fleurie se retrouva menacée par un projet immobilier qui aurait entraîné sa destruction complète. Face à cette menace, les artistes résidents se mobilisèrent rapidement. Le peintre Henri Cadiou et le sculpteur Georges Armand Lacroix prirent la tête de ce mouvement de résistance en créant, le 24 février 1970, l’« Association des artistes du 65 Boulevard Arago pour la sauvegarde des ateliers et des jardins ». Lacroix en devint le président, Cadiou le trésorier, et le sculpteur Marcel Chauvenet le secrétaire.

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Cette lutte pour la préservation de la Cité Fleurie s’étendit sur plus de cinq années, mobilisant non seulement les habitants mais aussi l’opinion publique parisienne. L’atelier n°3 de Georges Armand Lacroix se transforma en quartier général de la résistance, où étaient rédigés communiqués de presse, tracts et pétitions. En 1976, la Cité fut classée, et Lacroix et Cadiou reçurent le prix « SOS Paris » pour leur action. Cependant, ce classement fut annulé en 1978 pour vice de forme, relançant les inquiétudes. Un tournant décisif survint en mars 1981, lorsque François Mitterrand, alors candidat à l’élection présidentielle, visita la Cité Fleurie et promit de la sauver s’il était élu. Cette promesse fut tenue : en mai 1982, quelques mois après le décès de Georges Armand Lacroix, la Cité Fleurie fut définitivement sauvée, marquant l’aboutissement d’un combat acharné pour la préservation du patrimoine culturel parisien.

La Cité Fleurie aujourd’hui : un patrimoine protégé

Aujourd’hui, la Cité Fleurie bénéficie d’un statut de protection qui garantit sa pérennité. Depuis le 5 mai 1994, elle est officiellement inscrite au titre des Monuments Historiques, une reconnaissance qui couronne les efforts de mobilisation des décennies précédentes. Cette protection concerne spécifiquement les façades et les toitures des bâtiments, ainsi que le sol de la parcelle, préservant ainsi l’intégrité architecturale et paysagère de cet ensemble unique.

Fidèle à sa vocation originelle, la Cité Fleurie continue d’abriter exclusivement des artistes, perpétuant ainsi la tradition qui a fait sa renommée depuis plus d’un siècle. Ce statut particulier en fait un lieu vivant de création, où se côtoient peintres, sculpteurs et autres artistes contemporains. Son caractère privé et résidentiel implique que la Cité reste fermée au public en temps normal, protégée par une imposante grille qui préserve la tranquillité nécessaire au travail créatif. Cette fermeture au quotidien contribue paradoxalement à maintenir l’aura mystérieuse qui entoure ce lieu et renforce son statut de jardin secret au cœur de Paris.

Visiter la Cité Fleurie : occasions et accès

Bien que la Cité Fleurie soit un espace privé fermé au public la majeure partie de l’année, plusieurs occasions permettent aux amateurs d’art et de patrimoine de découvrir ce lieu enchanteur. L’événement principal est sans conteste les « Lézarts de la Bièvre », journées portes ouvertes des ateliers d’artistes qui se déroulent chaque année le deuxième week-end de juin. Cette manifestation offre une opportunité unique de pénétrer dans cet espace habituellement inaccessible et de rencontrer les artistes dans leur environnement de création.

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Pour les visiteurs chanceux, il est parfois possible d’accéder à la Cité en dehors de ces journées officielles. Certains habitants, passionnés par l’histoire de leur lieu de vie, ouvrent occasionnellement les portes aux promeneurs curieux ou peuvent proposer une visite improvisée. L’adresse officielle de la Cité Fleurie est le 65 boulevard Arago, dans le 13ème arrondissement de Paris. Pour vous y rendre, plusieurs options de transport en commun s’offrent à vous : les stations de métro Glacière (ligne 6), Saint-Jacques (ligne 6) ou Port Royal (RER B) se trouvent à proximité immédiate, rendant l’accès aisé depuis n’importe quel point de la capitale.

L’héritage culturel et l’importance patrimoniale

La Cité Fleurie représente un témoignage exceptionnel de l’histoire des cités d’artistes à Paris, un phénomène qui a profondément marqué la vie culturelle de la capitale depuis la fin du XIXe siècle. Son importance patrimoniale réside d’abord dans son architecture unique, qui illustre parfaitement l’esprit des ateliers d’artistes de cette époque : espaces lumineux, cadre inspirant et communauté créative. La préservation de cet ensemble architectural constitue un exemple rare de conservation d’un lieu de création artistique dans son intégralité.

Au-delà de sa valeur architecturale, la Cité Fleurie incarne une approche novatrice de réutilisation créative des matériaux, précurseur des préoccupations contemporaines de développement durable. L’utilisation des éléments du pavillon de l’Alimentation de l’Exposition universelle de 1878 témoigne d’une vision avant-gardiste du recyclage architectural. Sur le plan culturel, la continuité de sa vocation artistique depuis plus d’un siècle en fait un lieu de mémoire vivante, où l’histoire de l’art parisien se perpétue à travers les générations d’artistes qui s’y sont succédé. La Cité Fleurie symbolise ainsi la résistance réussie face à la spéculation immobilière et l’importance de préserver des espaces dédiés à la création artistique au cœur de la ville.

La Cité Fleurie demeure l’un des joyaux cachés du patrimoine parisien, un témoignage vivant de l’histoire artistique de la capitale. Sa découverte vous transportera dans un univers bucolique insoupçonné, loin du tumulte urbain. Si vous appréciez les lieux chargés d’histoire et d’authenticité, ne manquez pas l’occasion de visiter ce havre de paix lors des journées portes ouvertes en juin. La préservation de tels espaces créatifs au cœur de Paris représente un enjeu culturel majeur pour maintenir la diversité et la richesse du tissu urbain parisien. La Cité Fleurie nous rappelle que la ville ne se limite pas à ses monuments emblématiques, mais se compose aussi de ces petits coins de paradis, véritables poumons créatifs qui nourrissent l’âme artistique de Paris depuis des générations.

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